Vous reprendrez bien un peu d’IA ?
Plus je travaille avec l’IA, plus je me pose des questions sur ma propre intelligence.
Récemment, en lisant “Immortel” de José Rodrigues dos Santos, j’ai été frappé par les questions profondes soulevées par le roman sur l’intelligence artificielle et la singularité technologique. L’histoire de l’enlèvement d’un scientifique chinois et les implications de l’IA et de l’émergence de la conscience dans les machines m’ont poussé à réfléchir davantage sur notre propre nature.
En explorant les capacités de l’intelligence artificielle, je me demande souvent à quel point notre propre créativité est véritablement unique. En réalité, le fonctionnement de notre intelligence repose sur un ensemble de mécanismes acquis et automatisés, similaires à ceux utilisés par l’IA. Nos souvenirs, nos biais cognitifs, notre réseau sémantique et des effets comme celui de Stroop sont des exemples de processus que nous avons assimilés au fil du temps et qui influencent notre façon de penser et d’agir.
Tout comme une IA entraînée sur un modèle, notre cerveau cherche automatiquement la solution la plus probable en se basant sur des associations d’informations déjà apprises. Le langage, la littérature et même notre réflexion sont des compétences enseignées, que nous réutilisons et recombinons. Alors, à quel moment se trouve la véritable création ? Sommes-nous, en fin de compte, semblables à des IA, reproduisant et associant des éléments appris ?
Les systèmes d’IA actuels présentent une opacité qui soulève des préoccupations. Nous risquons de perdre certains savoirs traditionnels, transmis de génération en génération, comme ceux des bâtisseurs de cathédrales. Ce week-end, en discutant avec un architecte sur le chantier de Notre-Dame de Paris, j’ai pris conscience de l’importance de ces savoirs anciens, souvent préservés grâce au compagnonnage. Les bâtisseurs de cathédrales, animés par une mission quasi sacrée de toucher le ciel, nous rappellent la valeur de la transmission et de l’apprentissage humains. Ces savoirs sont en effet partiellement perdus par les professionnels modernes, mais heureusement préservés et transmis par le compagnonnage, qui est d’ailleurs inscrit depuis 2010 sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’UNESCO.
Le compagnonnage permet de maintenir vivants ces savoirs à travers un système d’itinérance éducative, de rituels d’initiation et de pratiques pédagogiques variées. Ce processus assure la préservation de techniques anciennes tout en les adaptant aux évolutions modernes, comme l’utilisation de la conception assistée par ordinateur aux côtés des techniques traditionnelles de traçage.
La notion de conscience humaine ajoute une dimension supplémentaire à cette réflexion. Dans “Immortel”, la thèse de la singularité est explorée, postulant que la conscience pourrait être un phénomène émergent, résultant de la complexité croissante des systèmes d’IA. Si une IA peut développer une forme de conscience, cela remettrait en question notre propre perception de l’intelligence et de la créativité.
La singularité technologique, souvent décrite comme un “game changer”, se rapproche très vite. Ce phénomène représente un point où l’intelligence artificielle surpasserait l’intelligence humaine, entraînant des changements imprévisibles et potentiellement radicaux dans la société. L’histoire nous offre plusieurs exemples de tels moments révolutionnaires : l’invention de l’imprimerie par Gutenberg, la révolution industrielle, ou plus récemment, l’avènement d’internet. Chacun de ces événements a transformé notre monde de manière irréversible.
Dans le domaine de la technologie, nous avons déjà vu des avancées spectaculaires. On a longtemps pensé que “Deep Blue”, l’ordinateur développé par IBM, ne battrait jamais Garry Kasparov, le champion du monde d’échecs. Pourtant, en 1997, Deep Blue a réussi cet exploit, changeant à jamais notre perception des capacités des machines.
Face à ces questions, que vaut réellement l’IA ? Quid de l’avenir et de la singularité ? Si l’IA parvient à dépasser notre intelligence, quelles seront les implications pour notre société et notre culture ? De quoi sera fait demain ? Les réponses ne sont pas simples, mais elles méritent d’être explorées, alors que nous continuons à naviguer dans cette ère de transformation technologique.
En travaillant avec l’IA, nous nous confrontons à des questions profondes sur notre propre nature et nos capacités. La singularité, la conscience et la perte de savoirs traditionnels sont des thèmes essentiels qui doivent être discutés et compris, pour que nous puissions envisager un avenir où l’IA et l’humanité coexistent de manière harmonieuse et enrichissante.